Ne croyez pas que cela ne pourrait pas vous arriver.
Ne croyez pas qu’il y a nous et puis vous.
Tous les êtres vivants sont électrosensibles. Et tous sont susceptibles de devenir hypersensibles. Nous avons déjà franchi le cap, il y a 15 ans, 4 ans, ou 6 jours. Nous avons basculé, à force d’être surexposés, dans un monde nouveau où nos droits n’existent plus. Maintenant, nous ne vivons plus, nous survivons. Nous nous protégeons, nous sommes cernés. Hier nous étions ingénieurs passionnés, médecins dévoués, parents heureux, secrétaires efficaces. Hier nous avions, tout comme vous, un smartphone et du wifi à la maison. Nous allions au restaurant, à la banque, au cinéma, faire nos courses et assister aux spectacles de fin d’année de nos enfants.
Nous pouvions suivre des formations, aller à des conférences, prendre l’avion, le métro, le train, aller à l’hôtel, et nous rendre chez le médecin.
Et puis notre corps a dit stop, je ne peux plus faire face. Il a manifesté des symptômes de plus en plus intenses lorsqu’il était exposé, c’est-à-dire un peu partout et presque tout le temps. Le syndrome d’intolérance aux champs électromagnétique s’est déclaré. L’électrohypersensibilité.
Notre corps était sensible, il a exacerbé ses sens à l’extrême. Comme pour nous dire, ne m’expose plus, ces rayonnements de radiofréquence stressent trop mon organisme. Je ne peux plus faire face. Ils brisent mes brins d’ADN, augmentent mes risques de développer un cancer, perturbent mes hormones et mon rythme cardiaque. Ils m’empêchent de dormir, de penser et de me concentrer. Ils me donnent mal de tête, font siffler mes oreilles et détruisent mes cellules… Stop, ça suffit.
Mais nous, nous ne voulons pas être électrohypersensibles, nous voulons continuer à vivre comme avant. Garder notre travail, nos amis, et tous nos droits.
La société ne semble pas nous croire, elle ne semble pas nous comprendre. Elle ne veut pas de nous. Et pourtant nous n’avons pas peur des ondes, nous étions comme vous avant. Mais maintenant nous les sentons et elles ont un pouvoir sur nous, celui de nous faire mal et de dérégler tout notre organisme en quelques minutes et pour plusieurs jours. Je ne vous vois plus venir vers moi, je vous sens, car j’ai un grésillement dans la tête lorsque vous vous approchez, et parfois, je n’arrive plus à parler et mon cœur me fait mal et commence à battre irrégulièrement. Dans votre poche, votre sac ou votre main, se trouve mon bourreau, celui de qui je suis à la merci. Et vous ne le savez pas.
Le monde s’est refermé sur lui-même, et nous a laissé dehors. Il s’auto-mitraille de ces radio fréquences qui nous brûlent l’organisme. Il nous éjecte avec une force tranquille qui ne remarque même pas que nous sommes en fuite, à la recherche d’un petit espace qui pourrait encore nous accueillir. Mais dans ces espaces, il n’y a plus que des gens comme nous, qui se demandent comment faire leurs courses, gagner de l’argent, se soigner et continuer à survivre.
Un émetteur wifi, un smartphone allumé, une antenne de téléphonie mobile, un téléphone fixe sans fil, c’est comme si vous étiez non-fumeur et qu’on vous crachait de la fumée de cigarette en plein visage, dans le nez, la bouche, les yeux et cela, en continu, et partout où vous voulez aller. C’est comme si ensuite, on vous écrasait le mégot encore brûlant un peu partout sur le corps.
C’est comme si enfin, on ne vous regardait pas agoniser et souffrir de vos brûlures, et qu’on vous laissait sans secours, avec un sourire au coin des lèvres.
Nous sommes de l’autre côté, et de plus en plus nombreux. Nous ne pourrons plus être ignorés très longtemps.