Conteuse
Et ils ont marché longtemps. Longtemps. Longtemps.
Les anguleuses, les ondulantes,
Les orageuses, les pantelantes
Les estropiés, les courbatus
Les corps cassés, les cœurs à nu
Les entortillés, les tout-à-fait cassés
Ceux vraiment qu’on ne sait jamais où caser
Les tout petits, vachement raccourcis,
ET les tout grands, ceux qu’ils trouvent trop grands
Ceux qui dépassent, ceux qui débordent,
Ceux qui dans la masse font un peu désordre
Les mal lotis, les mal compris
Ceux de là-bas, qui vivent ici
Les entortillés, les tout à fait cassés
Ceux vraiment qu’on ne sait jamais où caser
Les tout petits, vachement raccourcis,
Et les touts grands, ceux qu’ils trouvent trop grands
Y avait deux compagnons, ils avançaient l’un à cloche pied et l’autre à reculons.
Y avait une vieille elle était au bras d’un vieux roi, ho il était vieux, vieux, vieux, et heureux.
Y avait la fille aux yeux fermés elle avançait la main posée sur l’épaule de sa reine.
Y avait un gars, il avait des béquilles de bois, ça lui avait remonté les épaules jusqu’à la moitié des oreilles, ça faisait comme deux collines. Et sa tête voyageait d’une colline à l’autre.
Y avait des chiens, des chats galeux.
Devant les porteurs dansaient.
Derrière tout le monde dansait.
Les pas de l’un faisaient avancer tout le monde.
Quand l’un trébuchait, ils se relevaient tous.
Quand l’un était triste, ils chantaient tous.
Au bout du monde
Plus d’escaliers,
Plus de portes trop lourdes à pousser,
Plus d’écriture qu’on peut plus déchiffrer,
Plus de mesure, plus de sablier,
Au bout du monde,
Y a qu’à se laisser glisser,
Y en a assez d’essayer de se lisser.
Ils sont arrivés au bout du monde les gueux, et ils étaient attendus. Ils ont été accueillis avec des gestes, des sourires, des regards, des mots, des signes. Et eux, ils état venus avec leur secret : ils savaient les corps éphémères.
Au bout du monde,
Plus de mots impossibles à prononcer,
Plus de figures imposées,
Plus de regards gênés,
Plus de pitié.
Au bout du monde tous les éclopés,
Sont reines et rois
Mais s’en moquent bien ma foi.